19 avril 2024
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[EXCLUSIF] Jérémie Janot : "Un jour ou l'autre je reviendrai à l'ASSE !"

Jeremie Janot former goalkeeper of Saint Etienne during the Ligue 1 match between Saint Etienne and Lille at Stade Geoffroy-Guichard on March 10, 2019 in Saint-Etienne, France. (Photo by Romain Biard/Icon Sport)

Jérémie Janot a le plus bel âge : 42 ans. Né à Valenciennes, il a grandi à proximité des puits de mine Dutemple et Réussite. Un drôle de clin d'oeil pour celui qui fut durant 16 années le gardien du temple stéphanois avec autant de réussite ! Jérémie Janot et l'ASSE sont indissociables. Entre ses chambrages de supporters adverses et ses tenues extravagantes, le fantasque portier stéphanois a marqué de son empreinte l'histoire des Verts. Toujours détenteur du record d'invincibilité de la L1 avec 1534 minutes de jeu sans encaisser de but à domicile, il fut l'un des plus grands (par le talent) gardiens du club. Il se livre aujourd'hui pour Peuple Vert dont il devient officiellement le parrain !

Jérémie, avant de commencer on aimerait que tu nous dévoiles l'un des plus grands secrets de la L1 : mesures-tu 1m76 comme le mentionnent tous les livres d'histoire du club ou bien 1m73 ?

Je mesure 1m73... Mais comme au centre de formation je souhaitais "gratter" des centimètres, j'ai dit que je mesurais 1m76... Lors de mon service militaire, on m'a bien mesuré à 1m73...

Restons dans les chiffres : si je te dis 1534, vas-tu me répondre que c'est l'année durant laquelle Jacques Cartier a découvert l'embouchure du St-Laurent ?

C'est le record d'invincibilité¹... Mais cette notion d'invincibilité ça me dérange. Beaucoup me l'attribuent alors que c'est un travail collectif... Je suis obligé d'y associer J. Sablé, Z. Camara, H. Ilunga, V. Hognon, D. Zokora... Et puis les records sont faits pour être battus ! Mais c'était quand-même 17 matches à domicile sans prendre de buts ! Aujourd'hui, le PSG n'y est toujours pas arrivé. Nous sommes très fiers de ce record !

Il sera quand-même difficile à faire tomber...

Il tombera, mais le plus incroyable c'est cette sensation d'invincibilité qu'il y avait. On n'était pas les meilleurs à nos postes, mais les uns avec les autres, on constituait un collectif qui a réussi quelque chose que même les meilleurs auront du mal à battre.

J'étais le gardien qu'il fallait au moment qu'il fallait pour l'ASSE !

As-tu conscience d'être un mythe à St-Etienne ? D'être celui qui a officiellement relancé la carrière de Spiderman un soir de mai 2005 ?

(Rires) La chance que j'ai eu c'est que St-Etienne est une terre de gardiens de but. Il y a toujours eu de grands gardiens à l'ASSE. Un gardien qui n'est pas bon à Sainté, il est grillé de suite ! Le mauvais arrière gauche, le mauvais arrière droit c'est différent. Mais il y a des postes à Saint-Etienne pour lesquels tu ne peux pas tromper les gens qui viennent à Geoffroy Guichard. Si tu arrives à conquérir ces gens-là, c'est gagné. J'ai été là dans les bons moments et dans les pires tout en restant performant. Quant à Spiderman², on m'en parle encore aujourd'hui ! C'est un truc de fou !

Quand tu regardes derrière-toi, de quoi es-tu le plus fier concernant ta carrière de joueur ?

Le potentiel qui m'a été donné a été exploité à 100-110% ! Je n'ai pas de regret. Parfois on me dit que j'aurais pu aller en équipe de France, mais il faut se souvenir qu'à cette époque-là les gardiens c'étaient Lama, Barthez, Coupet, Landreau, Frey, Ramé, Richert, Leitizi... Rien que le fait d'exister à côté de monstres pareils c'est déjà énorme. J'ai existé à côté de Petr Cech, c'est une véritable fierté surtout quand on te dit depuis tes 12 ans que tu ne seras jamais pro ! J'étais le gardien qu'il fallait au moment qu'il fallait pour l'ASSE !

Tu as été pré-sélectionné avec l'équipe de France ?

Oui, j'ai reçu des pré-sélections. J'ai également remporté le tournoi de Toulon (ndlr : en 1997) avec la génération Henry, Trézéguet, Anelka... Mais après la marche était trop haute. D'un autre côté, hier comme aujourd'hui, tu ne peux pas être international si tu ne joues pas la Ligue des Champions. Et puis il fallait contester Barthez, Lama, Coupet... Si je n'ai pas joué la Champion's League c'est peut-être parce que je touchais un plafond de verre et que je n'avais pas le niveau pour... Il faut savoir raison garder. Mais ce n'est pas une honte. Quand tu prends ta première licence, tu as 0.015% de chance de devenir footballeur professionnel un jour, ce qui te donne davantage de chances de devenir chirurgien quand tu arrives en classe de 6ème que footballeur professionnel. Je ne me suis jamais pris pour Barthez non plus, mais j'ai été la meilleure version de moi-même.

Tu pars de l'ASSE après avoir disputé 386 rencontres en Vert (dont 384 comme titulaire). Tu aurais aimé atteindre les 400 matches ?

Tu sais c'est déjà une belle perf'. La seule année durant laquelle on n'a pas contesté ma position de numéro 1 c'est la dernière pendant laquelle je suis titulaire (ndlr : 2010/11). Et derrière on recrute Stéphane Ruffier... (rires) Mais au final, j'avais besoin de cette compétition, j'avais besoin de me sentir en danger pour performer. C'est ce que je dis aux gardiens que j'entraîne, ils ont besoin de concurrence, même s'ils ne le comprennent pas toujours. Si tu n'en as pas, tu te relâches, et le relâchement est le pire ennemi du professionnel. Si tu te relâches d'1% chaque semaine, à mi-saison tu as déjà perdu 20% du joueurs que tu étais, et du coup tu es un tout autre joueur ! En revanche il faut une hiérarchie sans que le numéro 1 ait un chèque en blanc.

Qu'est-ce qui t'a manqué lors de cette saison 2011/12 qui voit débarquer Stéphane Ruffier à St-Etienne ? Comment Christophe Galtier t'a informé de l'arrivée du portier jusqu'alors Monégasque ?

Christophe Galtier a toujours été clair avec moi. Il me disait que j'étais son numéro 1, sauf s'il pouvait avoir Douchez ou Ruffier. Moi je me disais très honnêtement que l'ASSE n'aurait jamais l'argent pour signer l'un ou l'autre... Et puis j'ai eu faux, mais ce n'est pas grave. Il y avait des rumeurs comme celle que le club s'intéressait aussi à Ospina. Et puis j'avais 35 ans... Si ça n'était pas cette année-là, c'était la suivante. Quand tu vas chercher Stéphane Ruffier, tu prends un gardien qui a 10 ans de moins, néo-international, promis à un très grand avenir : il n'y avait pas de débat, surtout qu'il a été très bon tout de suite. Pas de débat également parce que j'ai été réglo et que je n'en ai pas fait un scandale. J'ai vu qu'aux entraînements il était meilleur que moi et que le club n'avait pas pris une "truffe" ! S'ils avaient pris n'importe quel gardien pour le mettre à ma place, j'aurais été déçu, mais là c'était une forme de reconnaissance que de me remplacer par Ruffier.

Je sens que je prends le but et au moment où je retombe j'ai cette phrase que j'ai toujours dans la tête : "Putain, je suis fini !"

As-tu cru en tes chances de remporter une concurrence saine ? Comment vis-tu ta position de sparing-partner de luxe dans un Chaudron qui a toujours été ta maison ?

Les six premiers mois se sont bien passés. On travaillait bien, Ruffier était performant. Mais après ça picote. Quand t'es un compétiteur ça chatouille ! Des clubs de Ligue 2 m'appelaient : le Mans, Lens... Et puis Christian Gourcuff (entraîneur de Lorient - L1 - qui lutte pour le maintien) m'appelle et me dit : "J'ai besoin d'un gardien kamikaze pour nous sauver, j'ai mes trois gardiens blessés." Je pars là-bas, on fait notamment 0-0 contre Dijon qui descendra pendant que Lorient assure son maintien. Quand je reviens de Lorient, dans l'avion, je me dis que je ne peux pas rester doublure. Je descends de l'avion, j'ai un message de Sibierski (Lens), du Mans qui me propose 3 ans... Je signe au Mans pour 1500 euros par mois ! C'est dire si j'étais motivé !

Ta carrière de joueur s'achève le 24 mai 2013 (victoire contre Lens 2-1 avec Le Mans). Que te dis-tu à ce moment ? Quels sont tes plans ?

A ce moment-là, on se doute qu'il va y avoir un dépôt de bilan. Au niveau des joueurs, on fait le maximum sur le terrain. Mais même maintenu, il y avait un trop gros trou dans les caisses. Ce n'était pas directement mon problème, mais ça a quand-même précipité la fin de ma carrière. C'est surtout une fracture de la cheville 3 mois plus tôt qui marquera le début de ma fin de carrière. Je joue les quatre derniers matches sous infiltration, mais je sens que ça ne va pas. Quand je prends le but contre Lens, c'est la chose la plus cruelle qui pouvait m'arriver dans ma carrière. Je vois la frappe, je vois le ballon partir, je suis certain de l'avoir et je ne l'ai pas... Je sens que je prends le but et au moment où je retombe j'ai cette phrase que j'ai toujours dans la tête : "Putain, je suis fini !". C'était un signe. Je devais faire un test aux Los Angeles Galaxy, mais ma cheville était dans un état catastrophique. Encore trois ans plus tard j'avais des douleurs. Au mercato d'hiver de 2014, j'ai encore la possibilité d'aller à Laval, mais j'étais rincé ! A partir du moment où mentalement tu n'y es plus...

Tout de suite après, tu entraînes en amateur... 

J'ai entraîné les U19 à Villars (ndlr : 2014/15). J'avais quatorze guerriers qui allaient à la mailloche ! On finit 3èmes, en Gambardella on fait trembler Domtac qui échouera de peu face à Auxerre, vainqueur de la compétition. Je passe cette année là mon BEPF (Brevet d'Entraîneur Professionnel de Football) et, l'année suivante je passe mon CEGB (Certificat d'Entraîneur de Gardien de But) et entraîne les séniors de Firminy. Fort de mon expérience de Villars, j'applique la même recette à Firminy, mais je me plante et je me retrouve avec un vestiaire qui me lâche peu à peu parce que je n'ai pas été bon dans le management... J'ai tout appris de ces deux expériences et ça me sert encore aujourd'hui.

Tu reviens à St-Etienne en 2016 comme formateur des gardiens du centre de formation. On ne s'attendait pas à te voir partir à Auxerre un an plus tard...

Quand tu retournes en amateur, tu te sens refoulé par le monde professionnel, mais j'étais confiant. Je savais que j'allais le retrouver. J'ai de la compétence, du réseau... Je passe une super année aux côtés de Gérard Fernandez (Coordinateur de projets au centre de formation de l'ASSE) et Bernard David (directeur du centre de formation de l'ASSE). Le souci à mon niveau c'est que Stéphane Ruffier et Fabrice Grange sont liés, tout comme moi à mon époque avec Jeannot Dées. Une situation compréhensible. Ruffier est performant, Grange est compétent et il n'y a aucune raison de changer. Le problème c'est que je suis en fin de contrat. J'ai une offre de 4 ans à l'AJ Auxerre, chez les pros, dans un club qui a de gros moyens et vise la montée avec à sa tête Francis Gillot. Je me dis : "Le train des pros, quand il passe il faut le prendre...". J'étais pourtant très bien à l'ASSE, mes gardiens étaient tous internationaux, la collaboration avec Fabrice Grange était bonne, j'avais totale autonomie pour travailler, je m'entendais bien avec Julien Sablé, Laurent Battlès... Et puis Auxerre n'était pas loin de Sainté. Tu passes de Firminy à l'AJA en 2 ans... C'était un nouveau challenge qui s'offrait à moi.

Quand je disais que j'allais retrouver le monde pro, les mecs disaient : "Il entraîne une DH et il veut retrouver le monde pro !". Les gens rigolaient !

Tu as hésité à un moment donné ? Tu étais dans ton club de coeur pourtant...

Je suis un jeune entraîneur et un jour ou l'autre je reviendrai à l'ASSE. Peut-être dans 10 ans, peut-être dans 15 ans. Mais c'est écrit. Comme quand je disais à Firminy que j'allais retrouver le monde pro ! Les mecs disaient : "Il entraîne une DH et il veut retrouver le monde pro !". Les gens rigolaient ! J'avait aussi besoin de former, d'apprendre aux côtés de joueurs et d'un staff de qualité. Aujourd'hui je fais beaucoup de vidéo. En 3 ans, je peux dire que je connais la Ligue 2 comme ma poche. On m'appelle pour me demander des conseils sur des joueurs...

Et maintenant Valenciennes... La boucle est bouclée ou bien le sera-t-elle véritablement le jour où l'on te reverra du côté de l'Etrat ?

Quand on m'a proposé Valenciennes je n'ai pas hésité. Je restais chez les pros dans le club où je suis né. C'est un challenge et ça n'est pas évident car j'y suis attendu deux fois plus comme je le serai le jour où je reviendrai à Sainté. En revanche, je suis très lucide sur une chose : de tout ce que j'ai prévu pour mon après carrière, rien ne s'est passé ! Peut-être que je n'irai jamais à St-Etienne. Mais je dis ce que je pense, ce que je ressens avec sincérité. Peut-être que je serai débarqué dans 3 mois ou bien que je finirai avec une barbe blanche à Valenciennes. Après, l'envie est là et je connais le circuit. je m'entends extrêmement bien avec Julien Sablé et Razik Nedder ainsi qu'avec tout le monde au club. Un jour ou l'autre, il se peut que Julien prenne l'équipe... Pendant ma période à Auxerre, Zoumana Camara (PSG) m'appelle et me dit qu'il va peut-être prendre la réserve de Paris. Il me propose de l'accompagner. A ce moment, j'étais prêt à suivre Papus (Camara). Je ne suis pas dans le calcul... Peut-être que je devrais l'être un peu davantage... Mais je suis comme ça, je suis spontané, je marche à l'affect et au challenge.

D'ailleurs, il faut absolument que je remercie quelqu'un qui m'a permis de faire le bond après Firminy. Un jour un mec m'appelle et me dit "Jérémie, je vais faire le tournoi de Toulon en tant que coach, j'ai besoin d'un adjoint, est-ce que tu viens avec moi ?". C'est Fousseni Diawara³. Le fait que l'on me voit au tournoi de Toulon, adjoint de Fouss' dans une équipe internationale (ndlr : le Mali) a relancé mon attractivité auprès du monde professionnel. Si Fouss' ne me tend pas la main, je ne reviens peut-être pas à l'ASSE ! Je lui fais donc un gros bisou ! D'ailleurs, en voilà un qui un jour sera coach et pourrait me proposer de bosser avec lui. J'ai travaillé avec beaucoup d'entraîneurs, je commence à avoir une petite expérience qui va me permettre de rentrer dans le grand bain.

Si Claude Puel t'appelle en mai prochain pour te dire : "Ecoute Jérémie, Fabrice Grange ne poursuit pas sa mission. Je te propose le poste de préparateur des gardiens de but !". Que réponds-tu ?

Dans un premier temps, je ne suis pas décideur. Je ne reparlerai jamais d'un retour à St-Etienne tant que Fabrice (Grange) est là. Si Roland (Romeyer) vient me chercher demain, il n'y aura qu'un seul décideur : c'est le président de Valenciennes. Je suis bien à Valenciennes.

Mon histoire s'est écrite de la plus belle des façons

Regardes-tu encore les matches des Verts ?

Oui... Quand je peux.

Que pense l'oeil du coach...?

Entre coachs on n'aime pas ça qu'un autre donne son avis. Il pourrait me dire "Qu'il s'occupe de son club !" et il aurait raison ! Après, en tant que supporter je ne suis pas inquiet car Claude Puel est un bâtisseur et il a toujours réussi ce qu'il a entrepris. Le problème c'est qu'à St-Etienne on est impatients. Il y a eu beaucoup de matches et le fait qu'il n'y ait plus l'Europe est un bien. Il y a des jeunes qui sortent du centre ce qui ne me surprend pas car je les connais les Wesley Fofana et compagnie...

Qui sera d'après-toi la prochaine pépite du centre ? Le réservoir est encore plein au centre ?

Il y a le "petit" Tshibuabua" qui devrait faire parler de lui. Tu perds Saliba et t'as Tshibuabua derrière ! C'est la preuve que ça tourne très bien à la formation.

Tu aurais aimé être le gardien de but de cette équipe 2019/20 ?

Je ne réfléchis pas comme ça. Mon histoire s'est écrite de la plus belle des façons. Ça avait mal commencé, puis il y a eu une histoire d'amour avec le public, les stéphanois... Quand je reviens à Sainté je suis gêné car les gens m'aime bien, m'offrent le café, certains chantent encore ! Pourtant ça fait 10 ans que je ne joue plus à St-Etienne, mais ça reste. Je ne suis pas aigri. j'ai été remplacé par meilleur que moi, c'est valorisant. Un jour il sera remplacé par meilleur que lui, c'est la loi du sport. Je savoure, je ne me prends pas la tête...


1 : Entre novembre 2004 et septembre 2005, l'ASSE n'a pas encaissé de but à domicile, représentant un total cumulé de 1534 minutes d'invincibilité pour Jérémie Janot et ses coéquipiers.

2 : ASSE-Istres : 2-0 (mai 2005). Jérémie Janot entre sur la pelouse en tenue de Spiderman

3 : En 2016, le Mali dispute le festival de Toulon et Fousseni fait office de sélectionneur intérimaire. Il doit composer un staff en urgence et témoigne à l'époque : "Je suis arrivé à Saint-Etienne en 2000 et la première personne qui m’a aidé à m’intégrer, c’est Jérémie Janot. On est devenu amis. Je ne l’avais pas eu depuis un petit moment au téléphone, je l’ai appelé et il a fallu cinq minutes, même pas, pour qu’il me dise qu’il venait. Quatre heures après, il était déjà là, juste le temps de faire le trajet Saint-Etienne – Toulon (rires)." (Source : Festival-Foot-Espoirs.com)

Crédit photo : Icon Sport

 

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