Claude Puel, si certains en doutaient, est un entraîneur qui aime le beau jeu, les beaux joueurs et possède une recette pour élever le niveau général d'un club. Il dévoile dans France Football le plan de bataille qu'il a toujours mis un point d'honneur à appliquer dans tous les clubs par lesquels il est passé. L'ASSE ne fait pas exception, et si tout va bien, cela augure de beaux jours pour notre club... Extraits.

[penci_blockquote style="style-2" align="none" author="Claude Puel - Source France Football" text_size="20"]Je n’aime pas me retourner en arrière et je déteste ceux qui pensent : “C’était mieux avant.” Mais, clairement, il y avait beaucoup plus de qualité technique à cette époque. On mettait aussi le collectif en avant. Ce qui me frappe désormais, c’est ce manque de justesse et d’intelligence dans le jeu, de fluidité et de talent, de créativité mais aussi d’efficacité. À un moment, sans pouvoir dire où se situe exactement le point de bascule, on s’est mis à rechercher des profils plus physiques, avec de la vitesse, de la puissance et, petit à petit, on en est arrivés là. Si Platini avait été un joueur physique, vous croyez qu’il aurait eu une telle dextérité ? Et si Thierry Henry ou Kylian Mbappé n’avaient pas eu cette base technique avant d’acquérir la justesse et la puissance, vous pensez qu’ils seraient devenus champions du monde à 20 ans ? Ce qui me gêne, c’est que dans la plupart des centres de formation, on continue de privilégier l’aspect physique. On perd ainsi en route beaucoup de gamins intéressants. Des petits gabarits, souvent, qui se développent physiquement plus tard et ne peuvent pas exister dans un football de combat et de duels, où on ne les comprend pas, mais qui, en revanche, sont créatifs, savent prendre l’info, se démarquer, combiner, proposer des solutions et qui voient tout déjà avant les autres.

Inévitablement, cela rejaillit sur le contenu et le niveau des matches, sur la qualité de jeu collectif des équipes, même sur la façon dont on marque les buts et finalise les actions. Désolé, mais au très haut niveau, la qualité technique fait toujours la différence. J’étais pourtant un défenseur et un compétiteur dans l’âme, mais je préférerai toujours un joueur moins rapide et puissant mais plus intelligent et plus technique... Parfois, je me demande si on se pose les bonnes questions et si on raisonne encore en termes de jeu. Quel type de jeu veut-on ? Avec quels profils, quelles qualités ? Qui fait le recrutement, les dirigeants, les entraîneurs, les recruteurs ? Je ne pense pas qu’il y ait toujours une vraie réflexion. Moralité, je vois certaines équipes pleines de bonne volonté et soucieuses de créer du jeu, de mettre le ballon au sol, de bien repartir de derrière, de faire des enchaînements et des décalages. Mais comme elles n’ont pas les joueurs pour le faire ni la qualité technique suffisante pour concrétiser, c’est juste impossible d’y arriver. On peut toujours s’extasier devant ce que font Guardiola à Manchester City ou Klopp à Liverpool, mais à un moment, il faut assumer.

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Ces équipes-là ont la possibilité d’avoir les meilleurs joueurs du monde, O.K. Mais qu’est-ce qui leur permet d’avoir un jeu complet, en attaque rapide comme face à des blocs bas renforcés, de comprendre toutes les situations, de se sortir du pressing adverse et de résoudre tous les problèmes ? La qualité technique à chaque poste, jusqu’au gardien. On ne peut pas prendre des joueurs à dominante physique, qui ont du mal à réussir un bon contrôle, une bonne passe, un bon décalage, une bonne frappe, ou simplement qui ne possèdent pas la bonne gestuelle devant le but ou dans les vingt derniers mètres, et espérer développer du jeu. C’est une simple question de bon sens et de cohérence. Combien de fois je vois des situations où une équipe a réussi à déséquilibrer son adversaire sans pouvoir ensuite marquer ni même se créer une occasion, parce qu’elle ne parvient pas à exploiter la situation, parce qu’elle n’a pas la qualité de centre, de déplacement ou de passe dans le bon tempo... On en revient toujours là : la technique, la créativité et l’intelligence de jeu n’ont pas de prix.

Contrairement à d’autres pays, on a la chance de pouvoir former différents profils de footballeur. Il n’est pas interdit d’avoir des joueurs puissants et rapides, qui poussent leur ballon et font des différences individuelles. Mais si on travaillait davantage la technique, l’anticipation ou la lecture du jeu, je suis sûr qu’on pourrait prendre de l’avance sur tous les autres. C’est dommage et je ne me satisfais pas de cette situation. Même si on est le pays champion du monde...

Qu’est-ce qui m’intéresse ? Essayer de challenger les grosses équipes avec des moyens différents et avec certains profils, techniques, pas terminer au milieu du classement avec du jeu direct et un football de combat. Trouver les joueurs pour accompagner le développement du club et les amener à maturité, comme je l’ai fait à Lille et à Nice, où je voulais revenir au foot que je voyais à l’époque de Huck, Guillou et Jouve, quand j’étais gamin au centre de formation de Monaco. Et comme j’avais commencé à le faire aussi à Leicester en deux mercatos, le premier pour réduire l’effectif, le second pour prendre des joueurs techniques à chaque poste. La saison passée, on avait gagné à Chelsea, battu Manchester City et fait match nul à Liverpool, mais à un moment, les dirigeants ont manqué de patience et décidé d’appuyer sur le bouton... C’est la même idée et la même logique avec Saint-Étienne. Je ne m’arrête pas aux difficultés actuelles et je sais que le défi et l’exigence sont énormes. Mais j’aimerais bien que cette équipe joue la Ligue des champions dans cinq ans. Même si je ne suis plus là et que je n’en profite pas. Ça, ça fait partie du foot.[/penci_blockquote]

Crédit photo : Icon Sport