C’est le sujet de la semaine. L’attribution des prochains droits TV du football français. Pas le thème le plus sexy au premier abord, mais ô combien important pour les rouages financiers des clubs français. Des clubs qui s’inquiètent cette semaine.

Échec pour Labrune et la LFP

Vincent Labrune, président de la Ligue de Football Professionnelle, se voulait pourtant confiant. Il visait le milliard pour l’attribution des prochains droits audiovisuels du football français.

En espérant 800 millions d’euros pour ses 2 lots « Ligue 1 », la LFP a peut-être sur-estimé son produit. C’est en tout cas ce que lui fait comprendre le retour des diffuseurs qui n’ont pas répondu favorablement au prix de réserve fixé par la Ligue. « Seules la plateforme DAZN et la chaîne beIN Sports avaient déposé la veille une offre qualitative (couverture éditoriale, promotion, marketing, lutte antipiratage) et leurs garanties financières » selon L’Equipe.

Dans un tel scénario, la LFP qui partait en position de force, pensant profiter du secret des offres, va dorénavant se trouver en position de faiblesse. Elle sera soumise à des offres évidemment inférieures à celles escomptées au départ.

Alors que Canal+ avait passé son tour, la chaîne cryptée pourrait toutefois participer aux négociations de gré à gré. En boudant l’appel d’offre initial, Canal+ espérait participer à ce second tour et arriver en position de force avec une armada de chaînes qu’elle propose dans son bouquet. Une manière de réduire le nombre de concurrents et donc, de faire baisser la note…

Les diffuseurs en force

L’Equipe du jour prolonge l’explication dans son édition du jour. Plusieurs spécialistes ont la parole pour tenter d’expliquer la situation :

Nicolas Rotkoff, ex-responsable des acquisitions de droits sportifs pour TPS, aujourd’hui consultant : « En termes d’organisation, cet appel d’offres est un camouflet. Toute cette procédure, toutes ces personnes mobilisées pour, au final, aller négocier en tête-à-tête… Surtout, comme il fallait s’aligner sur le prix de réserve pour commencer à miser, personne n’a participé et aujourd’hui, personne ne sait combien les chaînes étaient prêtes à mettre sur les lots. La Ligue commence le gré à gré à l’aveugle. Les diffuseurs sont en position de force. »

Jean-Louis Dutaret, responsable des acquisitions de droits pour Canal+ entre 2006 et 2012 :  » Le gré à gré pourrait au moins permettre de tirer les vers du nez des diffuseurs grâce à un bon jeu de poker menteur. Mais la LFP n’arrive pas dans une position de force. Elle a été piégée par son propre appel d’offres. Les diffuseurs n’achètent pas pour te faire plaisir. Ils interpréteront l’infructuosité comme un aveu de faiblesse. »

Xavier Couture, ancien président de Canal + : « Les acteurs vont s’observer. Il y a une forte probabilité que ce ne soit pas le vendeur qui fasse le prix, mais l’acheteur ou les acheteurs. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour la Ligue. La négociation de gré à gré, certes, n’est pas inintéressante, mais tout le monde va regarder comment Canal réagit. Et si Canal n’y va pas, les prix risquent d’être assez bas.

Par son rôle de diffuseur et de distributeur, Canal a beaucoup decartes en main pour faire le prix. Ce ne sera pas simple pour la Ligue. Quand je regarde le portefeuille d’abonnés de Canal et sa situation financière, bonne sans être florissante, je la vois mal casser sa tirelire pour le foot français. Les autres acteurs intéressés par la L1 ont la même analyse. Finalement, cela vaut grosso modo le prix d’aujourd’hui, avec une légère inflation de l’ordre de 5 %. Sur le milliard attendu par la Ligue (en France et à l’étranger), je pense qu’il va y avoir une décote de 25 % minimum. »

Des clubs inquiets ?

L’Equipe a pris la tempoérature du côté des présidents de clubs? L’inquiétude commence à se pointer le bout de son nez…

Jean-Pierre Caillot (Reims)  : « Comme cela pouvait être envisagé, l’appel d’offres qui s’est déroulé aujourd’hui s’est révélé infructueux. La LFP est sereine sur la suite du processus eu égard aux nombreux diffuseurs intéressés, et comme par le passé, notre solidarité et une communication archi limitée permettra que les choses aillent dans notre sens. Je ne manquerai pas de vous informer dès que l’on avancera sur le dossier.»

Olivier Létang (LOSC) : « C’était une étape obligatoire (l’appel d’offres) juridiquement. Ce n’est pas une surprise à ce stade. Les discussions de gré à gré vont commencer. Donc pas d’inquiétude et confiance totale en Vincent Labrune qui est l’homme de la situation sur ce sujet. On attend les résultats »

Olivier Cloarec (Rennes) : « Nous sommes convaincus que la Ligue 1 est un bon produit. Paulo Fonseca, l’entraîneur de Lille, en a parlé la saison passée, et Nemanja Matic me l’a dit récemment : pour lui, la Ligue 1 est un Championnat de très bon niveau, qui se rapproche de ce qu’il a pu connaître en Premier League plus que de la Serie A, confie le dirigeant breton. Et il a joué dans quelques grands clubs avant Rennes, entre Chelsea, Manchester United ou l’AS Rome ! Il est surpris par le niveau des jeunes, notamment. Et Lens l’a rappelé en battant Arsenal en Ligue des champions : notre Championnat est attrayant, compétitif, et beaucoup d’efforts ont été accomplis par les clubs pour cela ces dernières années. »

Malgré ce discours de façade, le quotidien précise que « cet optimisme n’est pas partagé par l’ensemble des présidents de l’élite. Ils sont plusieurs à reconnaître une inquiétude et à craindre que leurs recettes télé fondent si les droits audiovisuels n’augmentent pas significativement compte tenu de la ponction que va opérer CVC sur ces revenus à partir de la saison prochaine. « 

Rappel des lots

Les lots pour la Ligue 1

  • Le lot 1 comprenant 3 matchs en direct (choix 1 et 2 en exclusivité et choix 4 en co-diffusion). La mise à prix est fixée à 530 millions d’euros avec un palier d’enchérissement de 10 millions d’euros
  • Le lot 2 comprenant 6 matchs en direct et en exclusivité (choix 3, 5, 6, 7, 8 et 9) et un match en co-diffusion (choix 4) + les matchs 1 et 2 en différé. La mise à prix pour ce lot 2 est fixée à 270 millions d’euros avec un palier à 5M€.
  • LFP MEDIA va mettre en vente 3 autres lots dédiés aux magazines : 1 lot pour des magazines
    quotidiens en semaine (du lundi au vendredi inclus) et 2 lots pour les magazines du week-end.

Les lots pour la Ligue 2

  • Le diffuseur qui remportera le lot 1 pourra choisir le meilleur et le second match lors de chaque journée. Ce lot, si l’ASSE est toujours en L2 l’an prochain, pourrait largement accueillir les rencontres des Verts, souvent choisis parmi les meilleures affiches. Ces deux matches occuperont les créneaux 15h du samedi et 13h du dimanche.
  • Le lot 2 accueillera l’ensemble des rencontres, mais diffusera les choix 1 et 2 en différé. Tous les matches de ce lot se joueront les samedis à 19h.