La présentation des cinquante meilleurs joueurs de l’histoire de l’AS Saint-Etienne continue. Après vous avoir exposé les portraits des joueurs situés de la 21e à la 50e place par ordre alphabétique, nous vous révélons désormais ceux qui sont situés de la 20e à la première place. Cette fois-ci, ils seront publiés dans l’ordre décroissant. Après le 20e, Georges Bereta, place au 19e ! Dominique Bathenay (210 matches, 32 buts de 1973 à 1978).

 

Une formation sans éclat

Dominique Bathenay est né à Pont d’Ain le 13 février 1954, une commune située à cinquante kilomètres de Lyon dans une famille qui organisait ces dimanches autour de la messe (sans enthousiasme excessif) et du football. Son père, André conducteur d’engins, se déplace au gré des chantiers qui lui sont proposés et il emmène avec lui toute sa petite famille qui le suit sans restriction. Dominique commence le football à Grange-les-Valence puis au Racing Club Football de Tain-Tournon où son gabarit imposant impressionne. Alors qu’il ne joue que dans la catégorie cadet, il est titularisé dans l’équipe sénior qui évolue en promotion de district soit un double surclassement !

C’est Robert Philippe, le responsable de l’équipe réserve de l’AS Saint-Etienne, qui le remarque le premier alors qu’il n’a pourtant obtenu que le quinzième rang au concours régional du jeune footballeur. Dominique est convié à un stage pendant les vacances de Pâques 1971 invité par Jean Oleksiak, un autre découvreur de talents au service de Pierre Garonnaire. Il l’avait apprécié à l’occasion d’un match de sélection départemental, Lyonnais-Centre Ouest ou était aligné en face un certain Dominique Rocheteau.

Pendant ce stage, le jeune homme n’a pas le sentiment d’avoir convaincu les dirigeants stéphanois. Et pourtant, il est engagé pour la saison suivante. L’ASSE envisage bien d’en faire un joueur de football professionnel alors que le principal intéressé pensait plutôt devenir pilote d’avion.
On touche là à une des caractéristiques de la personnalité du joueur. Un personnage attachant qui a tendance à prendre la vie du bon côté sans emballement exagéré que ce soit d’un point de vue négatif ou positif. Il a une chance de devenir joueur professionnel mais s’il n’y arrive pas, il fera autre chose. Ce manque d’ambition apparent a peut-être freiné sa progression. A tel point qu’on a pu se demander à un moment s’il allait accepter de faire les efforts nécessaires pour toucher au but. Il passe sa première année dans le Forez avec les juniors ou avec l’équipe de promotion. Il effectue la deuxième avec l’équipe réserve en division 3 mais il n’a pas réellement franchi un cap et on redoute que son départ à l’armée ne mette fin brutalement à son expérience avec les Verts avant même qu’elle n’ait vraiment commencé.

Un diamant brut à l’ASSE

Sous les ordres de Lucien Troupel, également sceptique au début sur l’implication du jeune joueur, Dominique Bathenay s’endurcit et accepte de se faire violence pour répondre aux exigences du Bataillon de Joinville. Il revient transfiguré mettant enfin en avant d’évidentes qualités techniques, un pied gauche puissant et un potentiel physique exceptionnel.

Robert Herbin peut alors entrevoir tout le potentiel qu’il a entre les mains et le 6 octobre 1973. L’ASSE doit se rendre à Nîmes avec plusieurs absents. Oswaldo Piazza, Jean-Michel Larqué et Hervé Revelli sont indisponibles pour des raisons diverses obligeant l’entraîneur stéphanois à injecter du sang neuf. Il décide alors de titulariser pour la première fois Michel Rouquette et Dominique Bathenay.
Ce dernier est tout simplement époustouflant au poste de stoppeur. L’avant-centre adverse, le Danois Jansen, pourtant pas le premier venu, est complètement mis sous l’éteignoir. Pierre Garonnaire, émerveillé, aura cette réparti brillante pour décrire la performance du jeune espoir : « Il l’a mis dans sa poche du haut, l’a ressorti par celle du bas, l’a glissé dans celle de droite pour la ressortir à gauche ». Pour sa part, Bathenay n’a pas été plus impressionné que cela. Il avoue même à Bereta à la mi-temps du match qu’il pensait que ce serait plus dur.

A partir de ce jour, il ne quitte plus l’équipe. Il est utilisé d’abord en tant que libero, puis lorsque Herbin trouve sa vraie charnière centrale avec Christian Lopez et Osvaldo Piazza, comme un milieu défensif. C’est là qu’il trouve sa véritable dimension le rendant indispensable à l’équilibre de la formation stéphanoise. Bordeaux en fait les frais le 24 février 1974 où ces trois joueurs font merveilles dans cette configuration. Les Girondins sont balayés 5-0 au Parc Lescure. La domination stéphanoise peut alors débuter.

Bathenay le hollandais

Par le potentiel physique qu’il dégage, Bathenay personnifie à l’extrême la prise de pouvoir qu’une nouvelle génération de joueur est en train prendre au niveau national. En effet à l’issue de la saison 1973-74, les Verts reprennent le commandement de la D1. Ils justifient la confiance que les dirigeants stéphanois ont mis sur ses épaules ou sur celles de joueurs tels que Lopez, Merchadier, Synaeghel, Santini, P. Revelli ou Sarramagna. Au fil des années, Janvion puis Rocheteau vont compléter un groupe qui conserve son titre deux années supplémentaires en 1975 et 1976 balayant tout sur son passage.

En 1975, Bathenay est éblouissant dans le match au sommet contre Marseille qui donne le titre aux Verts. Il marque un des quatre buts de son équipe en fusillant le pauvre gardien olympien. Evidemment ses performances chaque semaine phénoménales attirent l’attention du sélectionneur de l’équipe de France de l’époque, Stefan Kovacs. Profitant de la blessure d’un des titulaires, il est convoqué pour disputer à Leipzig un match contre l’Allemagne de l’Est le 12 octobre 1975. Il inscrit du même coup son premier but sous le maillot bleu en reprenant comme à la parade un tir relâché par le gardien adverse à la suite d’une action qu’il avait lui-même initiée en récupérant le ballon dans ses propres trente mètres. C’est le début d’une carrière en Bleu où il devient une des pierres angulaires du nouveau patron, Michel Hidalgo et qui l’amènera jusqu’à la Coupe du Monde 1978 en Argentine.

Pour autant, c’est sur la scène continentale que Dominique Bathenay écrit sa véritable légende. Il inscrit le second but, celui de l’espoir, dans ce match désormais mythique à Geoffroy Guichard contre les Yougoslaves de l’Hajduk Split en 1974. En marquant de la tête sur corner tout de suite après l’égalisation adverse, il a remis l’équipe dans le sens de la marche pour la porter vers l’exploit impensable alors.

Contre les Glasgow Rangers en huitièmes de finale de la Coupe des Champions, l’année suivante, son envergure physique a encore parlé. Au match aller à Geoffroy Guichard, il ne reste qu’une poignée de seconde et les Verts mènent 1-0. Une marge minimale en l’attente du match retour. Le gaucher stéphanois récupère le ballon sur la droite et parce qu’il a encore du jus, il continue sa course en solitaire jusque dans la surface de réparation où du gauche, il transperce l’infortuné gardien écossais donnant plus de consistance à une victoire méritée.

Il rayonne à l’occasion des demi-finales contre le PSV Eindhoven où son abattage au milieu de terrain fait merveille pour conserver au Pays-Bas le maigre avantage obtenu à l’aller. L’entraîneur adverse, Kees Rijvers, ex joueur célèbre ayant porté la tunique verte, avoue que s’il y avait un joueur qu’il voudrait avoir absolument dans son équipe c’est Dominique Bathenay. A partir de ce moment-là, il est surnommé « Le Hollandais » en référence au fameux Johann Neeskens qui a fait les beaux jours de l’Ajax Amsterdam et ensuite du FC Barcelone.

Bathenay, le Prince d’Anfield Road

Personne n’a oublié le boulet de canon des trente mètres que Bathenay a envoyé sur la barre transversale carrée contre le Bayern Munich en finale de la coupe d’Europe des clubs champions le 12 mai 1976. Ce tir surpuissant aurait tellement mérité un autre sort.

Que dire du but d’anthologie qu’il a inscrit à Anfield Road le 16 mars 1977 contre Liverpool (1-3). Cette frappe des trente mètres, venue d’ailleurs, a trompé l’inoubliable Ray Clemence, considéré à l’époque, comme l’un des meilleurs gardiens du monde. Un but qui a fait le tour du monde. Tout comme la célébration du joueur, les bras en l’air, le sourire en coin, comme une simple évidence !

Ces images ont contribué à forger sa légende et même si les années qui ont suivi ont marqué le déclin des Verts, Bathenay est l’un des rares à évoluer encore sur son vrai niveau. Il marque neuf buts en championnat en 1977. C’est pourquoi lorsqu’il s’agit de renégocier son contrat à l’issue de la saison 1977-78, il demande un salaire à la hauteur de sa valeur. Ni plus, ni moins qu’un million de francs par an. Soit la somme que le Paris Saint-Germain est prêt à lui offrir. Malgré les interventions de Robert Herbin qui n’a pas envie de voir partir son joueur emblématique, Roger Rocher refuse de lui accorder les émoluments réclamés et le milieu de terrain s’engage alors avec la capitale.

Rétrospectivement, c’est une erreur, une de plus commise par le président stéphanois, qui a choisi durant cette période, de céder aux sirènes du vedettariat plutôt que de s’appuyer sur les valeurs sûres qui composaient le club. D’autant plus que Bathenay a continué à briller avec le PSG remportant au passage deux coupes de France supplémentaires lui permettant de devenir à l’époque le co-recordman des victoires dans cette compétition avec cinq finales gagnées.

A la fin de sa carrière, Dominique Bathenay est devenu un entraîneur qui n’a pas obtenu des résultats mirobolants. Il a même été appelé au chevet d’une ASSE moribonde en 1996 à la suite du limogeage d’Elie Baup. Il n’a pas réussi à sauver les Verts de la relégation. Cela ne saurait faire oublier la formidable carrière de joueur qu’il a connu avec l’AS Saint-Etienne au point d’être considéré par de nombreux supporters comme l’un des meilleurs joueurs de l’histoire de l’AS Saint-Etienne.

 

Par Albert Pilia