Après avoir porté les couleurs de l'ASSE de 2011 à 2017 et remporté notamment une Coupe de la Ligue sous le maillot vert, Jérémy Clément s'est lancé depuis plusieurs mois dans une nouvelle carrière d'entraîneur. Pour Peuple Vert, l'ancien milieu de terrain stéphanois s'est confié en toute sincérité. Entretien.

Que retenez-vous de cette aventure sous le maillot vert ?

J'ai passé six saisons à Sainté. Sur une carrière d'une quinzaine d'années, ce n'est pas rien. Surtout quand je me souviens de tous les beaux moments que j'ai pu vivre durant cette période. Il y a eu la victoire en Coupe de la Ligue, les parcours en Coupe d'Europe. Mais je crois qu'au-delà de tous ces aventures et ces succès, ce que je retiendrai en priorité, ce sont les rapports et les liens que nous avons pu créer avec les joueurs et le coach Galtier. Sans oublier Stéphane Teissier (ndlr : l'ancien directeur général), les salariés et bien évidemment les supporters, avec qui nous avons vécu de grands moments. Je n'aime pas comparer les générations, mais il s'est passé quelque chose avec cette équipe-là. Il y avait du talent chez certains d'entre nous, mais je crois que si nous avons laissé cette trace, c'est pour les valeurs et l'état d'esprit que nous dégagions.

Des valeurs qui collaient totalement au contexte stéphanois ?

Exactement. J'avais d'ailleurs été marqué, à mon arrivée, par la traditionnelle visite des mines. Quand tu vois ça, tu comprends que tu arrives dans un club particulier. Et je pense que le groupe que nous avions à l'époque collait effectivement parfaitement à l'identité de la ville et du club. Ces années à Sainté m'ont vraiment marqué, j'ai pris mon pied pendant six ans.

Jeremy CLEMENT of Saint Etienne during the Ligue 1 match between AS Saint-Etienne and Dijon FCO at Stade Geoffroy-Guichard on October 16, 2016 in Saint-Etienne, France. (Photo by Jean Paul Thomas/Icon

Si vous deviez retenir un souvenir, ce serait lequel ?

Je n'ai pas vraiment de moment en particulier en tête, mais c'est plutôt la régularité dont nous avons su faire preuve pendant tout ce temps. Même avec le septième ou huitième budget de la Ligue 1, nous étions quasiment toujours qualifiés en Coupe d'Europe. C'était assez exceptionnel de surperformer pendant tout ce temps. Après, évidemment que certains moments seront à jamais gravés. Je pense notamment à la qualification en finale de la Coupe de la Ligue ou encore les derbys gagnés.

Vous étiez d'ailleurs titulaire, en 2014, lors du derby remporté trois à zéro et dont tout le monde se souvient encore.

Celui-là, c'est vrai qu'il restera comme un grand moment. Je me souviens que nous venions de jouer en Coupe d'Europe le jeudi et que dans l'intimité de la mise au vert, on se disait tous que nous étions vraiment très fatigués. Le problème, c'est que dans un derby, tu dois être au maximum d'intensité et de détermination. Je ne cache pas qu'avant le match, on avait un petit peu peur de craquer. Et finalement, très vite dans le match, tu te rends compte que tu es au-dessus et que tu les exploses (sic). En termes d'intensité et d'envie, nous avions été exceptionnels ce soir-là.

Il y a aussi eu des mauvais moments, et notamment cette double fracture de la jambe en 2013. Avec du recul, comment avez-vous vécu cet épisode ?

Ce n'était pas simple. Surtout que cela m'avait empêché de jouer la finale de la Coupe de la Ligue et de terminer la saison. J'étais peut-être dans la meilleure période de ma carrière, je me sentais vraiment bien. Mais c'est comme cela, les blessures font partie du sport. Après, s'il faut tirer du positif, je dirais que cet épisode m'a tout de même servi dans ma vision et mon rapport du métier de footballeur. J'arrivais à la trentaine, un âge où l'on se pose pas mal de questions. J'en avais parfois un peu marre, je me demandais même si j'allais continuer longtemps. J'étais dans une période de ma vie où je pouvais ressentir une certaine forme de lassitude. Et finalement, quand je me suis blessé, je me suis rendu compte que le métier que je faisais était extraordinaire et que j'avais une chance immense d'être footballeur professionnel. Paradoxalement, je pense que cela m'a donné quelques années supplémentaires et l'envie de me battre pour rester sur les terrains.

L'ASSE, c'est aussi un public réputé comme l'un des tous meilleurs de France. Que retenez-vous de ce soutien populaire ?

Sincèrement, c'est extraordinaire. Geoffroy-Guichard, c'est un stade unique. Et même si nous avons parfois été un peu chahutés (rires), je crois qu'aujourd'hui, les supporters se disent que cette époque était quand même pas mal. Le jeu n'était peut-être pas toujours formidable, mais il y avait une sacrée force collective qui se dégageait de ce groupe. Et puis, ce qui était également super important à l'époque, c'est que nous faisions peur. Quand tu venais jouer à Sainté, tu savais que ce serait compliqué.

Jeremy CLEMENT of Saint Etienne during the French Ligue 1 game between AS Saint-Etienne and SM Caen at Stade Geoffroy Guichard on February 28, 2016 in Saint-Etienne, France.

Une fois votre carrière de joueur terminée, vous vous êtes très vité tourné vers le coaching. Pourquoi ?

Quand j'ai terminé mon aventure à Nancy, j'ai souhaité passer le DUGOS (Diplôme Universitaire Gestionnaire des Organisations Sportives). J'ai fait cette formation pendant deux ans, avant de retrouver une équipe de National 3 en tant que joueur car le vestiaire me manquait. C'est à ce moment-là que j'ai passé mon BEF. Je n'avais pas envie de perdre de temps et je voulais surtout voir si le coaching me plaisait. Et très vite, j'ai senti que c'était quelque chose qui était fait pour moi. Certains anciens joueurs arrivent à s'épanouir dans des domaines complètement différents. Mais moi, je ne pouvais même pas imaginer vivre loin du football. Ma vie est réglée pour et par le football. Et je le vois d'ailleurs en ce moment. Cela fait deux ou trois mois, depuis mon départ d'Andrézieux, que les semaines sont calmes et que mes week-ends sont libres. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point cela me manque. Quand on est dedans, on se demande parfois pourquoi on se casse la tête et on passe des nuits blanches pour du football. Mais quand tu n'as plus tout cela, tu n'as qu'une seule envie, c'est d'y regoûter. Ce contact humain et cette relation que l'on avec ses joueurs, c'est exceptionnel. Il suffit parfois d'un regard ou d'une petite tape sur l'épaule pour qu'il se passe des choses. Je ne me lasserai jamais de ces sensations.

Christophe Galtier a dû beaucoup vous inspirer sur ce plan humain.

Oui, bien-sûr. Mais comme d'autres entraîneurs. On puise toujours nos convictions et nos croyances dans des coachs que l'on a connus. Christophe, que j'ai eu pendant six ans, m'a énormément apporté. Encore aujourd'hui, quand j'ai besoin d'un conseil, je sais que je peux l'appeler à tout moment.

Avez-vous un modèle ou un type d'entraîneur qui vous inspire ?

Comme tout le monde, il y a des entraîneurs dont j'aime le jeu et la manière de travailler. Mais je crois sincèrement que sur un banc de touche, il faut rester soi-même et ne jamais tricher en jouant un rôle. C'est une nécessité de trouver de l'inspiration ailleurs et d'essayer de tirer le meilleur de ce que l'on voit, mais sans jamais renier ses principes, sa personnalité et sa vision du football. J'ai connu plusieurs vestiaires, les joueurs sentent très vite lorsqu'un entraîneur est un vendeur de rêves. Je suis d'ailleurs très admiratif des entraîneurs qui restent dans le même club et arrivent tout de même à se renouveler.

Pourrait-on vous voir, dans un avenir proche, à la tête d'une équipe de jeunes à l'ASSE ?

Je ne vais pas dire jamais, surtout que je suis très attaché au club. Mais je considère que le métier d'entraîneur est totalement différent lorsque l'on s'occupe de jeunes ou de seniors. Il y a d'un côté le formateur, avec cette nécessité de faire grandir et progresser le jeune joueur, et de l'autre, l'entraîneur qui doit gérer au mieux la compétition et avoir les meilleurs résultats possibles. Je sais, pour avoir connu les deux mondes, que je suis beaucoup plus attiré par les seniors. Ce que j'aime, c'est la compétition.

Christophe Galtier / Jeremy Clement - 07.02.2014 - Toulouse / Saint Etienne - 24eme journee de Ligue 1 -

Justement, que peut-on vous souhaiter pour votre avenir ?

Je vais continuer à me former et passer, cette année, le CDES (Centre de Droit et d'Economie du Sport) de Limoges. J'ai toujours pensé qu'un entraîneur, au-delà de la tactique et du management de ses joueurs, devait également connaître tous les rouages d'un dirigeant en ce qui concerne le marketing, la communication, la relation avec les partenaires. Je veux continuer à apprendre et m'ouvrir. Et après, j'espère bien-sûr retrouver un banc et surtout m'épanouir dans cette fonction.

En attendant de vivre de nouveaux grands moments en tant qu'entraîneur, avez-vous la sensation d'être allé au bout de votre aventure en tant que joueur ?

Oui, je crois. C'est marrant car nous nous sommes vus, il y a quelques jours, avec Renaud Cohade, Fabien Lemoine et Jessy Moulin. On était dans un contexte assez festif et on se disait qu'on était totalement cuits quand nous avions arrêté nos carrières (rires). Donc oui, je pense que je suis allé au bout au bout de ce que je pouvais dans le haut niveau. Mais au-delà de tout cela, je crois que ce dont je suis le plus fier, c'est l'image que j'ai laissée à mes anciens coéquipiers. J'en ai souvent discuté avec François Clerc, on se disait : savoir être avant de savoir faire. Et je crois que sur ce plan, j'ai accompli ce que je souhaitais.